Le rouleau des 120 journées de Sodome, écrit par Sade lors de son enfermement à la Bastille, est par essence une œuvre révolutionnaire. Sade est tout d’abord victime de l’arbitraire royal et de l’absolutisme que le 14 juillet 1789 balaie. Il est à la fois contemporain et acteur, par ses écrits, de la Révolution française.
Au XIXe siècle, la science se saisit de cette œuvre dérangeante. Le nom Sade qualifie alors une perversion sexuelle, une maladie mentale. Il devient l’objet d’étude de la révolution scientifique qui dessine la frontière entre le normal et le pathologique, marquant ainsi l’émergence des sciences de l’homme.
Redécouvert par les avant-gardes du XXe siècle, Sade quitte la marge de la monstruosité et intègre la révolution esthétique et politique au cœur de la modernité. Incarnation de la transgression et de la liberté de créer, il inspire écrivains et artistes.
En 38 soirées, dans sa cellule de la Bastille, Sade a recopié, dans son état d’inachèvement, l’œuvre imaginée depuis Vincennes : 33 feuillets découpés de 11,3 cm de large, collés bout à bout pour constituer une bande de 11,88 m, couverts recto verso d’une écriture microscopique entre deux traits d’encadrement.
Difficile à lire, facile à dissimuler une fois roulé, l’objet connaît un destin hors du commun : jamais nommé par Sade, volé, caché pendant un siècle, puis vendu et exhibé comme parangon des déviations sexuelles avant de devenir totem surréaliste, à nouveau volé puis érigé en Trésor national, il retrouve enfin le « fonds Bastille » conservé à la bibliothèque de l’Arsenal dont il avait été arraché.